Une croissance infinie dans un monde fini ?

Bien que ce site concerne l’enrichissement personnel, il ne fait pas de mal de temps en temps de replacer les choses en leur contexte.

Celui qui croit à une croissance exponentielle infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.

Cette citation de Kenneth Boulding apparaît fréquemment dans les arguments s’opposant à la « croissance ». Enoncée comme une sentence fataliste, cette proposition annonce le chaos qui nous attend si nous poursuivons ainsi sur notre tendance actuelle. Mais qu’en est-il réellement ?

Qu’est ce qu’est la croissance ?

A l’origine, la croissance économique désigne l’augmentation de la production des biens et services. Généralement on la mesure sur une année.

Pour déterminer cette croissance on se sert – entre autres – du PIB (produit intérieur brut) en tant qu’indicateur. C’est ce PIB qui détermine la valeur de la production au sein d’un pays. On utilise également son taux de variation (nommé le taux de croissance). Un taux de croissance nul implique un PIB constant, tandis qu’un taux de croissance négatif manifeste la diminution de la valeur productive sur au moins une année.

Il faut noter que les institutions européennes et mondiales contraignent les pays à l’adoption de cet indicateur (parmi d’autres certes..) dans le calcul de leur économie, et donc la mise en place de mesures en fonction du PIB. Cependant, le PIB montre rapidement ses limites : l’économie informelle (qui échappe au regard de l’état), les activités bénévoles ou même le bien-être ainsi que la cohérence de la population ne transparaissent pas dans cet indice.

C’est ainsi que l’on se retrouve dans des situations plutôt paradoxales – en apparence – : les accidents de la route, les catastrophes naturelles… peuvent par exemple engendrer une augmentation du taux de croissance.

Plus anecdotique encore : certaines normes issues de l’UE (Esa 2010) tiennent compte des revenus de la drogue et de la prostitution dans le calcul du PIB d’un état. […] Tandis que le Royaume-Uni et l’Italie ont accepté d’introduire ces secteurs dans le décompte de leur PIB, la France a décidé, par vertu, de rechigner à cela. Par extrapolation : nous nous sommes volontairement tirés une balle dans le pied en ne reconnaissant pas la « sollicitation coquine » comme facteur de croissance. En d’autres termes, la prostitution a diminué notre taux de croissance (en France) tandis qu’elle l’a augmenté ailleurs.

A ce titre, un exemple bien connu est celui de l’homme qui se marie avec sa jardinière (sa cuisinière, ou son employée de ménage, au choix). Cet acte contribue alors à la « décroissance ». Tandis que les services et biens produits par cette bonne femme, suite au mariage, resteraient pourtant les mêmes.

Pour palier à certaines de ces lacunes, il existe cependant différents indices comme celui du bonheur national brut, l’indice de développement humain… Néanmoins, je ferme ici la parenthèse.

Revenons-en à la croissance infinie..

La hausse de certaines valeurs (nb d’individus d’une population donnée, argent placé dans nos livrets..) traduisent parfois ce qu’on appelle une croissance exponentielle.

Vous pouvez passer le calcul qui suit si vous voulez.

Théoriquement, cela signifie que ces valeurs augmentent en suivant une « courbe exponentielle ». Plus précisément, leur variation est constamment proportionnelle à la valeur elle-même.Mathématiquement parlant, si A(t) est une valeur disposée à évoluer en fonction du temps alors dA(t)/dt = k*A(t), k représentant une constante.
A(t) est sous la forme A_0*e^(kt) et sa valeur est multipliée par N tous les intervalles de temps de ln(N)/k.
Supposons qu’un investissement de 10 000 euros croît de 10% chaque mois.
A(0) = 10000 = A_0 et A(1) = A_0*e^k = 11000, soit k = ln(1.1)
Alors A(t) = 10000*e^(ln(1.1)t)
Or cet investissement rapporterait donc A(120) = 927 090 688 euros au bout de 120 mois, soit 10 ans. Et tous les ln(2)/ln(1.1) mois, son montant double.
Note: Nous aurions pu retrouver ce 1er résultat à partir de la formule du terme général d’une suite géométrique 10000*1.1)^(120)

Que se passerait-il si l’on effectuait ces calculs avec la population terrestre ou encore des dettes d’état ?

Nous arriverions au bout d’un certain temps à des situations ubuesques dans lesquelles notre planète serait surpeuplée (moins d’1 m² pour chaque habitant, ça fait rêver..) et où chaque pays serait endetté sur des millénaires !

Cependant ces conjectures sur du long terme n’ont pas véritablement de sens puisqu’il est plus pertinent de raisonner sur l’avenir proche que sur les 1000 ans qui viennent. Malgré tout, elles donnent une certaine tendance :

Tout système exponentiel (dans notre monde matériel) est destiné à s’effondrer.

Si vous possédiez 10 milliards de milliards de milliards d’euros, peut être pourriez-vous acheter toute la planète ? La réponse dépend en réalité de la valeur que l’on accorde à cet argent. En effet, le fait que le montant sur votre compte bancaire grimpe ne vous rendra pas nécessairement plus riche : tout est une histoire du degré de confiance et d’importance en cette monnaie… qui dépend de nombreux facteurs.. (dont les matières premières, mais également de l’état d’esprit d’une population, d’investisseurs…).. C’est pourquoi nous connaissons des périodes d’inflation et de déflation, qu’une baquette de pain qui coûtait 3 francs à l’époque frise aujourd’hui 1 euro pour une quantité moindre, soit un peu plus de 2 fois plus cher qu’à l’époque si on effectue actuellement la « conversion ».. Et pourtant, ce n’est pour autant que la vie est plus onéreuse.

Un « aborigène » souhaite vous payer en coquillages, vous lui ririez sans doute au nez. Mais ce sera la même réaction que vous obtiendriez de sa part si à votre tour vous tentez de le rémunérer en papier imprimé, avec inscrite dessus la mention « euros ».

La finitude de notre monde

La superficie terrestre est limitée. Il en va de même pour ses ressources. Nous ne pouvons pas produire plus et consommer qu’une certaine limite. Sinon voilà ce qui arrive. (fleuve du citarum : à noter que la population locale, bien qu’intoxiquée, s’accommode bien de tous ces déchets puisqu’ils leur rapportent de l’argent… Comme quoi..)

Nous venons de voir que l’accroissement purement exponentiel d’une population est inenvisageable. Son rythme est donc destiné à ralentir : soit malheureusement par une décimation (guerres, catastrophes..)…. , soit par une prise de conscience collective et/ou des mesures. Quoiqu’il en soit, cette croissance démographique ne sera pas éternellement exponentielle puisqu’elle finira par être régulée. Le tout étant de savoir comment.

Auquel cas nous aurions une vision d’un milieu apocalyptique où chacun se battrait pour l’acquisition de matières premières, de sources d’énergie… Et d’ailleurs… c’est déjà le cas !

En quelques centaines d’années, nous dilapidons les millions d’années pendant lesquelles se sont formées des réserves d’énergies fossiles, nous accroissons les inégalités, nous nous enfermons dans nos « valeurs sûres », nos normes, nos valeurs, nos conventions…. Et nous fermons les yeux. Pourrons-nous indéfiniment tenir ainsi ? A ce rythme non. Pas sans trouver divers moyens et stratagèmes pour produire plus efficacement de l’énergie tout en redistribuant « équitablement » les ressources. Une solution temporaire.

Ce qui ne signifie pas – et je vois déjà venir les réserves – qu’une croissance économique infinie est incompatible avec la « finitude » de notre monde. Comme indiqué ci-dessus, au même titre que l’argent, la croissance est une notion imaginaire dépendant de la valeur qu’on lui accorde. Elle n’est donc que théorique et se voulant représenter la réalité. (avec les paradoxes évoqués dans la première partie…)

Le problème majeur qui se pose est tout autre : comment gérer nos rapports de dépendance construits par la finance, cela afin de pouvoir aborder sereinement nos limites physiques ?

Il va de soi qu’un changement brutal est improbable. Qui donc ici accepterait d’abandonner son confort matériel, et faire l’impasse sur l’électricité, la chasse d’eau, la salle de bains, son salaire, les supermarchés, la nourriture à la demande, les transports faciles et les soins gratuits.. pour pouvoir retourner vivre à l’état de nature, le vaillant « état sauvage » ? Quelles entreprises envisageraient de réduire de 34 leurs bénéfices sous le poids d’une argumentation pro-écolo et de quelques arbustes qu’il ne faudrait pas abattre ?

Si transition il y a et que nous nous y prenons à temps, alors celle-ci pourra s’effectuer en douceur, en limitant les dégâts. Non pas forcément à travers une décroissance économique mais éventuellement par l’avènement de nouvelles idées et technologies, d’une gestion et distribution efficaces des ressources… Et surtout une prise de conscience collective, un changement de nos mentalités, un abandon relatif de notre égoïsme. L’un ne va pas sans l’autre et il ne tient qu’à nous d’agir comme il se doit. Autant les institutions surpuissantes que nos propres individualités.

Question subsidiaire laissée en suspens :

Avez-vous foi en l’humanité ?

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